ANGOISSE 1 / Ode au symptôme

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J'ai un mois de novembre un peu "compliqué" cette année.
C'est pas la méga joie tout le temps et quelques coups durs m'ont fait reflirter avec ma grande copine, cette conne, L'angoisse.

Hier, un peu triturée par elle et son hobby préféré qui consiste à me faire battre le coeur trop fort et de triturer mon ventre avec ses mains anguleuses et perfides, j'ai eu un flash que j'avais envie de partager avec vous ... Même si l'angoisse m'empêche la plupart du temps de penser, y a émergé, cette fois, une piste plutôt intéressante.

Mon blog a eu 11 ans (on a, lui et moi, fêté son entrée en sixième, on était heureux...) et sérieusement, j'ai écrit combien de billets autour de la compulsion ? 50 ?

Non parce que je n'ai pas eu de goût pour le minimalisme (qui est encore un délicieux fantasme que je frôle par moment et qui se casse lamentablement la binette dans un ravin quelques semaines plus tard) par pure volonté esthétique, mais bien parce que j'achetais trop et que c'était très problématique (ça prend trop de place, éthiquement c'est super limite, c'est pas comme si on ne savait pas ce qu'implique la consommation excessive de mode, on ne peut pas se cacher pépouze en disant qu'on en savait rien).

J'ai toujours vu dans mon goût pour le shopping un léger "vice" mais un vice quand même, une "déviance", en tous cas, quelque chose que je devais combattre.

Rentrée 1987 (ce qui ne rajeunit personne mais c'est so "du-temps-d'avant-Sophie-Fontanel" de vouloir se rajeunir, du coup on s'en fout )

Allongée dans mon lit, demain je rentre en CE2 et ça me fait pas mal cogiter. C'est une rentrée un peu spéciale pour moi, je change d'école, après un CP et un CE1 passés dans l'école du village où vivent mes grands-parents. Et je dois avouer que ça me stresse beaucoup ... (ouais j'ai l'angoisse et l'insomnie précoces).
Je me retourne et me retourne espérant trouver le sommeil, mais il ne vient pas ajoutant à mon stress de la nouvelle école / des nouveaux copains (qui n'en sont pas encore, ce qui est bien là mon drame) / un nouveau maître / la peur ne pas assez dormir.
Ca tourne dans ma tête, impossible de me calmer.
Et puis je me mets à penser aux vêtements que je porterai le lendemain et d'un coup, ça me fait du bien. Ca me rassure. Habillée comme ça, je devrais pouvoir tout affronter ...
Un beau sweat / un beau jeans, que des trucs neufs qui me mettent en joie.
A mesure que je m'imagine déambuler dans la cour de récré, je me calme.
Je me calme tellement que je m'endors.


Novembre 2017 

Grosse rentrée donc. Pas méga en forme. Je dors comme une merde. Le coeur qui palpite, tout m'angoisse.
Sans surprise, je ne réussis pas à penser comme il se doit.
Ca me soule parce que ça allait tellement mieux l'an passé. Certes, c'est une période un peu compliquée, pour des vraies raisons, mais ça ne m'aide pas du tout d'angoisser comme ça, ça aggrave clairement la situation et en plus, ça ne me rend pas vraiment pragmatique. Bref, ça me coûte beaucoup et me rapporte peu.
Et puis je me retrouve sur Asos, le week-end du Black Friday et je zone d'une page à une autre. Et je me calme. Très vite.


Comme 30 ans en arrière, face à un moment de crise (rentrée d'école ; décès ; attentes de résultas médicaux, qu'importe la crise) je me calme sous une pluie de futilités. Et je lui en suis, ce jour-là, reconnaissante. J'aurais peut-être préféré que mon symptôme ait plus la classe, soit plus altruiste, plus constructif, créatif même peut-être, qui sait ... Mais ce soir, je le prends exactement comme il est. Même s'il a pas la côte, même s'il est vulgaire, je le prends parce que sans lui, je le sais, ça serait pire ...

Longtemps, vraiment longtemps j'ai considéré mon symptôme comme étant LE problème, pourtant,  en sentant l'apaisement sur la page d'Asos, j'y ai vu la béquille que je m'y étais construite enfant pour essayer d'arrêter d'avoir le coeur qui palpite trop vite et le ventre qui serre.

A l'échelle de la planète, acheter plein de trucs c'est mauvais pour l'environnement, pour les humains qui travaillent dans des conditions déplorables, pour plein de trucs, c'est vraiment de la merde.

Mais pour moi, ce soir-là, ça a été un moyen de faire diversion et de m'apaiser un peu. Mon stratagème est éthiquement très discutable mais je l'ai construit à 7 ans, un truc bancal avec les moyens du bord donc.

Ce n'est pas comme s'il ne faudrait jamais réfléchir au caractère plus que discutable de ma démarche, mais en attendant que ça s'apaise un peu autour de moi, je vais chérir mon symptôme encore pour quelques jours.


Ps: J'ai absolument conscience du caractère étonnant de cette réflexion au vu de ce que j'ai toujours combattu dans le blog mais à situation exceptionnelle réflexion exceptionnelle (qui implique un  étrange resserrement autour de ce qui fait du bien tout en négligeant toute considération éthique. Une temporalité étroite, du jour le jour. ) 

Je vous embrasse 





Commentaires

Claire a dit…
Salut Marie, billet très intéressant, qui m'interpelle et fait vachement écho. Ma "gestion" de l'angoisse passe pour moi aussi et ce depuis l'enfance (coucou les insomnies et le Toplexil à 9 ans) par des comportements compulsifs, dont la fréquence et la durée sont indexées sur l'intensité du moment ou de la période difficile à passer. Si la fièvre acheteuse s'empare de moi aussi par moments, et même assez souvent (surtout lorsque je compare mon rythme d'achats de fringues avec celui de mes copines) (je pense que mon tempérament anxieux fait que je peux très facilement tomber dans des conduites addictives et que j'ai du mal avec les concepts de modération et de tempérance, ça peut être trop de café mais aussi trop de sport), ma béquille boiteuse depuis l'enfance, celle qui me pose véritablement problème tout en étant incontournable par moments, c'est la tablette de chocolat, donc plutôt des conduites alimentaires excessives.
Et ta réflexion sur ta consommation de fringues d'un point de vue éthique, rapportée à l'urgence du moment et à l'intensité de l'inconfort à soulager, fait écho avec celle que j'ai par rapport à la nourriture, en période de dérapages multiples et incontrôlés. Je me suis souvent dit que, quitte à avoir un comportement addictif, une soupape un peu honteuse, autant qu'il me fasse pencher vers les petits beurre plutôt que l'alcool, la cigarette, les cachetons, bref des trucs bien pires et bien plus glauques. Et pourtant, on est en 2017, et, comme tu le dis, on ne peut pas faire semblant de ne pas savoir quel est l'impact environnemental et social de notre consommation de fringues / nourriture ; et dans ces périodes là j'ai honte, en plus du reste (spectre de la prise de poids, etc.), d'acheter des quantités astronomiques de nourriture, souvent industrielle, dont je jetterai ensuite une grande partie, soit que j'ai envie de me débarrasser immédiatement après de toute trace de mes méfaits, soit que mes victuailles moisissent gentiment dans mon frigo.
Donc je partage complètement ton ressenti par rapport à ce double effet kiss cool de la compulsion, qui présente visiblement pour toi aussi l'aspect éminemment pervers qu'elle nous met en porte à faux avec nos valeurs et convictions profondes. C'est à la fois très dérangeant et en même temps très intéressant à observer, je trouve.
Enfin, et ce sera le mot de la fin, je pense qu'en période de grosse tempête on fait du mieux qu'on peut et qu'il faut se foutre un peu la paix à soi même !
Courage pour ce que tu traverses et bises :)
Claire

Clémence a dit…
Marie, comme ce que tu écris me parle, une fois de plus et presque depuis onze ans, donc. Et comment ce que Claire écrit me parle aussi.

J'ai un vieux schéma sentimental bien pourrit, je sais que je suis en train de retomber dedans, et, je n'arrive pas à lutter contre. A vrai dire je n'essaye même pas. C'est lui le plus fort, pour le moment. Mais ça n'empêche pas que ça me fasse du mal. (Je ne suis pas en danger, c'est moche, mais pas dangereux.)

Et depuis une semaine que je le sentais débouler je sentais aussi le moment ou j'allais me replier sur moi même, ou je ne voulais que rester enfermée chez moi. Et ou mon vieux syndrome "je mange mal/je mange gras/c'est mal" ressurgit avec. Alors je le contient, un peu, je ne fais surtout pas de stock de gâteaux/chocolat/junk food, je sors pour acheter UN truc. Et j'en profite, je fais taire la culpabilité. Et peut être que je recommence deux jours plus tard.

Alors, prend soin de toi. Oui, les symptômes font souvent du mal, et on luttent contre autant qu'on peux, mais parfois ils nous servent à quelque chose, et peuvent être un refuge.
Anonyme a dit…
C'est intéressant, car j'ai pu connaître ce genre de comportement mais l'analyse est différente pour ma part. En période down (typiquement le chômage que j'ai très mal vécu), le shopping était un réconfort. L'important n'était pas l'objet acheté mais le fait de se mettre dans le rôle du client. Quand on a passé une journée complète à se faire jeter, à se sentir ridicule de mendier pour un job, c'est très satisfaisant de renverser la vapeur en allant voir une vendeuse qui sera prête à tout pour nous convaincre d'acheter tel article. Pareil sur les shop en ligne qui t'adressent moult messages de remerciements près une commande. On a enfin le sentiment de se retrouver sur le piédestal que les autres nous refusent. C'est du kif à portée de main, qu'on utilise pour se rebooster, bien plus facile et immédiat que de faire de grandes choses qui nous apporteraient la reconnaissance voulue. J'ai donc vu ça comme un petit arrangement avec l'égo, ce qui est une conclusion plutôt cool en fait, ça montre qu'il n'y a rien de grave derrière tout ça (on est bien d'accord que je parle du schéma général, et pas forcément de la compulsion)
Olivia a dit…
Je connais ça aussi ,le retour des angoisses depuis septembre ..et comme toi parfois je craque sur asos ou ailleurs..sans culpabilité car oui ça me fait du bien! Alors ton craquage sur Asos,c'est quoi??lol ����calin chaleureux Marie��
Anonyme a dit…
Bonjour Marie,

Moi je compte à l'envers, je démarre de 100 et arrive rarement à 0 et cela apaise mes angoisses, voilà je refile toujours car moins coûteux :-) kikk

Laura a dit…
Salut Marie,

Je me rappelle en 2006 lorsque j'ai perdu 2 membres de ma famille dans un accident de voiture grave. C'était horrible.
Les jours d'après l'enterrement étaient difficiles. Une journée particulièrement. Lors d'une pause où j'étais censée travailler pour un cours, je suis sortie de mon école et ai filé chez h&m. Je me suis senti bien pendant et surtout mieux après. C'est idiot, sans soute. Du shopping pour aller mieux mais cela a marché.
Je précise que j'avais 22 ans et on parlait à peine (ou je m'informais) à peine des conséquences écologiques de ce type de magasin. Bien que, maintenant, on ne peut effectivement plus fermer les yeux sur leurs pratiques, je t'encourage de faire preuve de bienveillance à ton égard.
Bisous.
Anonyme Amande a dit…
J adore... merci <3
J aimerais bien te revoir ! Fais signe si tu repasses en Lorraine...
Anonyme a dit…
Hello
Moi aussi je me paye un retour d'angoisse de plein fouet. Même plus capable d'aller bosser, 2 heure de sommeil par nuit ...Bref.
Je me suis rendue compte que je fuyais sur le net, a lire des blogs ou mater des instas de meuf parfaites,qui font tout ce que je suis incapable de faire. Sur le moment ça va mieux. ça m'aide à ne pas penser, j'en peux plus de penser. Et le soir venu je me dit que je suis juste une merde à n'avoir rien fait de ma journée, que si je me sortais les doigts du derche, je me sentirai moins mal. Donc je vais peut être passer au shopping, c'est peut être moins pire ! En tout cas si quelqu'un ici à une solution contre l'angoisse, autre que les médocs dont on veut me bourrer, je suis preneuse ...
ça me rassure à moitié de voir que toi (et d'autres ) sont angoissées depuis l'enfance. Je cherche à savoir d'ou ça peut venir, car mon fils de 10 ans et déjà très angoissé et ça me mine le moral. Lui, il fuie dans les jeux vidéos, je le sens bien. Ma fille de 13 ans est une éternelle optimiste, elle n'a pas d'addiction quelconque, elle vit sa vie au moment, elle kiffe l'instant. J'ai violemment perdu mon père à 13 ans mais j'étais déjà angoissée avant. A un moment donné de ma vie je sortais, je faisais la fête non stop, ça m'aidait. Avec les enfants ce n'était plus possible, ajouté aux responsabilités d'être parent, j'ai dévissé grâve. Dépression, attaques de panique, trouble anxieux généralisé. J'avais réussi à juguler le tout avec 30 kilomètres de course à pieds par semaine, et une blessure du genoux à tout stoppé net. Et là, l'enfer.
Donc oui, on essaye de déplacer l'angoisse. De la noyer. Je pense qu'il faut trouver le truc qui te convient. Et ma fois si c'est le shopping .... OK la planète va mal, mais d'autres ne se posent pas plus de questions que ça.
En tout cas, je te souhaite de trouver l'équilibre. Moi je cherche. J'ai commencé le yoga il y a 15 jours.
Bon courage à toutes.
Inspirer, expirer. ça va passer ...
Cécile.
Anonyme a dit…
Je te conseille vraiment l'Euphythose : valériane, passiflore, aubépine.Pas cher, dispo dans toutes les pharmacies.
C'est efficace. J'ai 47 ans, l'heure des hormones et aussi des humeurs qui font du yoyo et ça me sauve...Sans ces petits comprimés marronnasses je serai angoissée, agressive et insomniaque les trois quarts du temps.
Et aussi tout ce qui est yoga, sophro...il faut bien sûr réfléchir aux causes de ses angoisses mais aussi il faut en passer par le corps. Le bien être psychique dépend aussi du bien être du corps et de la chimie du cerveau (dit celle qui n'a accordé pendant longtemps son crédit qu'à la psychanalyse...)
Anonyme a dit…
Les angoisses, ça je connais malheureusement. Mais ce qui me fait encore plus angoisser c'est mon coeur qui palpite. Je ne peux m'empêcher de penser que si il s'emballe comme ça alors que je suis tranquillement en train de regarder un film, c'est que j'ai forcément un problème cardiaque. Et cela bien sur ne fait que me rendre encore plus angoissée, et donc mon coeur s'emballe encore plus. Un cercle vicieux.

Parfois j'aimerai juste oublier que mon coeur est là. Je le sens trop souvent. Et en plus ça me fatigue physiquement.
Je sais au fond que c'est lié à l'angoisse. J'avais fait une dépression il y a un peu plus de 3 ans et les AD avaient calmé cela. Plus de palpitations, même après l'arrêt du traitement. Tout allait bien, jusqu'à cet été où mon beau père s'est suicidé. Et là tout est revenu, ses symptômes de coeur qui s'emballe, cette impression de manquer d'air...
Ce qui me rend folle c'est que ça arrive n'importe quand!

J'ai, du coup essayé, la méditation avec une appli (petit bambou) un jour de grosse crise. Et étonnament ça m'a calmé! Mais je ne peux pas faire de séance à chaque fois que j'ai une crise malheureusement, et je n'ai pas envie de reprendre des AD. Je me suis donc inscrite au sport, je commence demain. J'ai pu remarquer aussi que faire de la rando me faisait un bien fou. Se retrouver en pleine nature fait un bien fou et aide à se reconnecter avec l'essentiel.

Et puis j'ai rdv avec un cardiologue histoire d'être vraiment sure que c'est juste des crises d'angoisses.

J'espère pour toi que ça se calmera avec le temps.

En tout cas c'est con, mais ça fait du bien de lire qu'on est pas seule dans ce cas.
Anonyme a dit…
https://www.franceculture.fr/conferences/bibliotheque-nationale-de-france/acceder-une-seconde-vie-ou-passer-cote?utm_campaign=Echobox&utm_medium=Social&utm_source=Facebook
Marilyne a dit…
On a tous une façon très personnelle de gérer les angoisses, mais il faut savoir être indulgent envers soi même , ne pas trop se juger :) courage en tout cas ! pour ma part ça a longtemps été la nourriture mon remède et ça l'est encore parfois. Peut être qu'un jour j'arriverai à chausser une paire de baskets plutôt que de m'enfiler un pâquet de gâteaux qui sait !

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