LE SYNDRÔME COLUMBO...




Quand j'étais petite, j'étais amoureuse du lieutenant Columbo!

Le trench élimé, le basset hound nommé modestement "le Chien", la 403 déglinguée et la coquetterie dans l'œil, j'aimais tout.
Et oui, vous avez parfaitement lu, j'avais un vrai faible pour lui.

Alors comme j'étais petite, et donc pas forcément nuancée du sentiment, je pensais que mon affection vaguement amoureuse pour lui, était due à son physique ravageur... Oh hé ça va, j'avais 8 ans.
Toute fierotte de révéler mon trouble à mes copains et copines, je me suis vite rendue compte que ma tendresse pour lui, n'était pas forcément partagée. Plein de gens aiment Columbo, en revanche peu, c'est le moins que l'on puisse dire, le trouve "attractif".

Quand je disais, "il est trop beau Columbo", je ne récoltais que des mines déconfites et des silences/regards/attitudes gênés... Bizarre je me disais.

Maintenant que ma maturité m'explose à la gueule, je peux enfin nuancer mon propos.
Columbo, si je le kiffe comme ça, c'est pas de la faute à son physique d'athlète (faudrait pas déconner non plus), c'est de la faute à tout le reste.

C'est pas tant son intelligence que je trouve over-classe, mais c'est bien l'utilisation qu'il en fait.



Illustration et contre-exemple:


Il y a quelques semaines, j'ai rencontré un mec. Pas mon mec. Pas un ami. Une vague connaissance qui en restera sûrement une vu le stade embryonnaire d'intimité qu'on a atteint et dans lequel on a stagné.
La soirée commence et on se met à discuter de jeux de société. Jusque là, tout va normalement. On n'en est pas encore à la période où on veut s'impressionner l'un l'autre et où l' on se met fatalement à parler de Kant et, on n'en est pas non plus à un stade qui nous permettrait de parler de cul et de ses petits tracas.

Le mec parle, je l'écoute. Il se met à aborder le sujet ô combien épineux du jeu du "Loup Garou", autant vous dire qu'on était au taquet.
Le mec n' a jamais joué au "Loup-Garou" alors qu'il bosse dans le milieu du jeu... Ça me fait sourire tellement c'est hors norme.
Je lui balance une vanne en lui demandant s'il connait ce petit jeu de l'underground berlinois aka le Trivial Poursuit! Certes cette vanne n'était pas la plus subtile de l'univers, mais là n'est pas le propos et pis de toutes façons moi, elle m'a fait marrer.
Le mec me regarde tout premier degré dans ses yeux et me dit, juré craché,

"Ouais et je suis même en mesure d'exploser pas mal de monde à ce jeu là!".


J'ai hésité entre le vomissement et le fou rire.
J'ai finalement choisi l'ignorance la plus totale. Valait mieux remarquez, sinon ça l'aurait encouragé et puis, a posteriori, vomir en public, ça aurait fait désordre!
Fin de l'histoire...


Alors ce mec, qui n'est pas un cas isolé notez, est l'anti-thèse de Columbo. Tout son contraire. Ce mec il est tout bonnement ÉVIDENT.

Columbo est vachement délicat et subtil dans sa manière de fonctionner. Je déteste l'ostentation intellectuelle, c'est con mais je trouve ça vulgaire.
Je trouve vulgaire le fait de dire qu'on gagne à coup sûr au Trivial Poursuit, je trouve vulgaire le fait que l'on pense qu'on est extrêmement cultivé parce qu'on a vu 4 films, lu 3 auteurs et imaginé 2 ou 3 bricoles dont tout le monde se carre. Je trouve vulgaire le fait d'être si premier degré. Je trouve ça mille fois plus vulgaire que de dire "bite" 10 fois par phrase.

La qualité qui me trouble le plus chez les gens, c'est l'intelligence. Certes, ça fait cucul la praloche de le dire en ces termes, mais par intelligence, j'entends Columbo.
Il en faut de la subtilité pour pouvoir se faire passer pour un con sans une trace d'orgueil meurtri.
Étonnement les gens plus brillants que j'ai pu rencontrer étaient aussi les plus subtils. Il ne s'agit pas d'arriver avec ses gros sabots et le Petit Robert sous un bras et l'Universalis sous l'autre.
Alors, certes, ça fait son petit effet de battre ses congénères au Trivial (pour le coup, on a joué à un jeu de questions et, comme Dieu existe, le dit mec s'est pris une taule... Qui fait le malin tombe dans le ravin...) et? Ben ouais, et rien.
Les gens ont un besoin permanent de prouver, rapidement qu'ils sont plus intelligents que leurs semblables. Il se trouve que Monsieur Trivial le déglingo ne m'a pas impressionné avec ses conneries d'évidences vulgaires, il s'est juste ridiculisé.
Et sans rentrer dans la distinction intelligence / culture, j'aimerai quand même vous renvoyer à la scène jouissive de Will Hunting où le fils de Michael Bolton se fait humilier.


Concluons avec Columbo...

Voir les yeux du meurtrier, qui s'est clairement surestimé et qui a bêtement sous-estimé l'enquêteur, se voiler au moment où il a compris que celui qu'il a pris pendant 90 minutes pour un con est tout bonnement brillant est vraiment ce que je préfère... L'humiliant humilié.
Peu importe que l'autre le prenne pour un idiot fini, la question n'est pas là. La question réside dans la patience de son état et dans l'assurance que l'on a en soi.
Je ne suis jamais impressionnée par un mec qui se la raconte "universitaire brillant", en revanche, un mec à la repartie cinglante, à l'intelligence adaptée à son environnement, ça, ça me trouble... Mieux, ça m'émeut.

Je terminerai là-dessus.
Avant que Columbo devienne une série, il y a eu en 1968, un téléfilm.
Columbo traque un psychiatre qui a tué sa femme.
Le psy lui fait son "analyse" que je vous retranscris ici:

"Vous êtes un parfait exemple de compensation, d'adaptabilité. Vous êtes un homme intelligent mais vous le cachez. Vous jouez les lourdauds et à cause de quoi? Peut-être votre physique. Vous ne pouvez guère impressionner les gens par manque de prestance, alors vous tirez avantage de cette déficience. Vous attaquez l'ennemi par surprise. Il vous sous-estime et résultat il tombe dans le piège à pieds joints. C'est ce que vous attendiez, non?"

Réponse de Columbo:

"Vous alors, vous m'avez bien deviné, même mis à nu."


Je vous embrasse.

Commentaires

Mermaid a dit…
Savoureux cet article sur l'intelligence, la vraie, j'adore! Tu as une justesse dans les mots, c'est incroyable.
Je t'embrasse.
Mimisatin a dit…
trop fort ! je suis totalement d'accord avec toi , le fait de vouloir trop montrer son intelligence en devient ridicule et pathétique...J'ai du mal aussi avec l'étalement de culture excessif bien que certaine personnes ont des tas de choses à nous apprendre et à nous transmettre , je pense qu'il y a des façons plus maligne et délicate de la faire !! comme columbo !! ton article le décrit bien et c'est vrai que c'est un exemple auquel j'aurais pas pensé spontanément mais c clairement ca !! il est intuitif, modeste limite gavroche et c ca qui fait son succès!! lol
Ca me fait penser à la fameuse expression que tu sors quand t'es gosse :
le savoir c'est comme la confiture moins on en a plus on l'étale !

bizoux !
Rose. a dit…
Je sais maintenant avec qui je vais passer la fin des fêtes !
Peter Falk est un acteur génial ! C'est pas pour faire ma cultivée (ça race !) mais dans "Femme Sous Influence" il est un poignant...Je vous le conseil: c'est, entre autre, un très beau film d'amour.
Bisesssss
ang-aile a dit…
Toujours aussi bluffant tes posts !!! Je pense que la véritable intelligence ou du moins celle qui te serre le plus dans la vie c'est l'intelligence émotionnelle ! Ca fait un peu cliché ou limite excuse quand on est inculte sur les bords de dire cela et pourtant...des super intello mais con comme pas permis, on en voit à la pelle ! Comme dirait l'autre "une tronche de dictionnaire et on pleure sa mère !"...ouais c'est naze ce truc ! lol Mais bon ça fait plizir aussi de dire des conneries !

Bon week
Ang-aile
Melle. Marion a dit…
un délice cet article !

Quand j'étais petite (c'est à dire encore aujourd'hui vu que je fais 1m55) j'étais amoureuse de Serge Gainsbourg. Mes copines comprenaient pas trop (voire, savaient pas trop qui c'était à l'époque). Elle me parlaient des 2B3 et tous ces autres chanteurs, plutôt intelligents du physique mais pas très intelligents du cerveau (du moins je trouvais).

Aimer Serge Gainsbourg c'était un peu has been en primaire. Au collège aussi. Voire au lycée. Je me faisais un peu traiter avec mes goûts. J'aimais bien ça je crois.

Alors voilà, les deux amours de ma vie sont Serge Gainsbourg et Charlotte Rampling.

Et les gens qui se la racontent "universitaire brillant" comme tu dis, ça à un peu tendance à me faire vomir aussi. Et tant pis c'est pas hyper glamour! haha
Estelleblogmode a dit…
Quel bonheur, cet article.

Tout est très juste.

Merci Marie !

Bises,

Estelleblogmode

PS : moi je suis secrètement amoureuse de Benjamin Biolay (dont la beauté ne fait pas forcément l'unanimité), mais chut...
la princesse a dit…
rrrrrrrrrrrrrrrholalala, mais quelle BITE ta "pseudo connaissance" !!!!!!
ptdr

la princesse
petitprunier a dit…
bonjour ma belle!
chui matinale pour un dimanche de vacances mais quel bonheur de commencer la journée par ce post drôle, pertinent et subtil (columbo, sors de ce corps ;-) )
sinon pour le p'tit cagé, c'est open, chui en repos jusqu'à lundi (je te maile :) )
des bisous
Anonyme a dit…
Alors là je te suis sur ce coup là (comme tous les autres d'ailleurs!!).
J'adooore...nan pas les sushis... mais Columbo.
Il est si subtile.
je le kiffe!!!

Et l'autre ..genre personne ne me bat au trivial poursuite..;quelle tâche. J'ai horreur de ce genre de mec plutot ce genre de personne.
Anonyme a dit…
Oupsss shame on me
j'ai oublié:
bisous bisous ma belle
aurore
Khaïra a dit…
j'ai eu une période où à ce genre de personnes -càd:ceux qui étalent leur intelligence- : je répondais... du tac au tac : en étalant à mon tour toutes ma culture, mes connaissances... MEA CULPA, parce qu'on "est jeune et con". j'ai bien changé (Dieu merci). voilà, c'était ma confession intime! hein, ça reste entre nous !!
j'ai un collègue de travail, et ami qui est la définition de tout ce que tu aimes, un vrai Columbo, et je te confirme : les discussions avec lui sont un plaisir sans nom.
Anonyme a dit…
Incroyable, Marie! Attends, quand ma mère voit Columbo à la télé, elle me dit "tiens, voilà ton mari!", tellement je l'ai bassinée avec mon amour pour Columbo. Mais à vrai dire, je n'ai jamais vraiment cherché à comprendre ce qui chez lui me séduiait. Je sais maintenant! hihi!

A part ça, je déteste ce genre de personne aussi. Mais il faut avouer qu'on se retrouve tôt ou tard dans ce genre de situation où on se sent obligé de faire étalage de sa culture ikea, soit parce qu'on se sent menacé (quand l'autre en fait de même, tu sais un peu comme dans cette bonne vieille dialectique platonicienne du maître et de l'esclave... Oooooops... nan, je rigole...), soit parce quu'on ne se sent pas à la hauteur.

En fait, dans ton cas, je suis sûre que ce mec te kiffait grave, il se trouvait trop nul et donc il avait besoin de ça pour se sentir en confiance! C'est tout à ton honneur...

Biz et encore merci pour cet article passionnant!

Fashionblahblah.
Marie a dit…
Mes beautés, je suis un peu en galère de temps. Il est tard, je me lève tôt, donc je voulais vous dire que j'ai tout lu attentivement. Chacun de vos mots.
Merci pour tout.
Et merci d'être là, tout simplement...
Anonyme Amande a dit…
je reviens de 5 jours d isolement gastronomique ou chaque soir je me suis endormie avec columbo ! Et voila qu en arrivant chez la chic fille je tombe sur lui !
Ton article est carrement bien illustre, je suis aussi grande fan du monsieur... Mon plus gros kiff depuis toujours c est de decouvrir le moment ou le grand inspecteur comprend que le coupable est bien son interlocuteur car la commence tout son travail d analyse et de "ficelage" du coupable... Quel acteur, quel homme !
Anonyme Amande a dit…
dans un style + actuel, le doc house me fait le meme effet... avec cette ironie noire si renversante. Il m est arrive de nombreuses fois de craquer sur un homme pas specialement attirant, mais tellement subtil dans le meme genre... c etait juste un apparte entre toi et moi ;=)
Anonyme a dit…
Amande: je te suis mille fois pour le doc house....il a un effet fou ce mec (cet homme) et je le trouve si humain malgrè sa noirceur!!
THIERRY CHAVANT a dit…
Peter Falk joue dans "Les ailes du désirs" de Wenders, le rôle d'un ex-ange qui de temps à autre fait une petite tirade au bonheur de "vivre comme un mortel" un ange (Bruno Ganz) "tombe" sous le charme. Encore une fois un rôle ou il est bien plus que ce que l'on peut soupçonner de lui.

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