Epiphanie
Le 31 décembre 2018 ma grand-mère a fait un double AVC. Au bal où on est sensé attendre les 12 coups de minuit pour se faire des bisous, elle, elle savait plus tellement où elle était, au bal, à la gare à attendre un train ? Et puis avec qui ? C’est qui ces gens ?
Emmenée à l’hôpital au plus vite, cette histoire s’est finalement bien terminée : peu de dommages et une vie qui a vite repris son rythme et ses petites histoires pour tout le monde. Sauf pour moi.
Parce qu’à l’intérieur de moi, un petit quelque chose s’est brisé : mon univers en entier. Ce qui avait un semblant d’organisation, aussi précaire soit-il, s’est transformé, dans mon esprit, en un chaos tellement effrayant que je serrais mes yeux le plus fort que je pouvais pour ne plus voir. Pour ne plus rien voir. Tellement effrayée que j’ai disparu derrière ma terreur. Toute entière, je n’existais plus, réduite à une immense frayeur, palpitante, qui à force d’avoir peur, toujours, de tout, s’est coupée de toute ma vie.
De peur, mon cerveau, las probablement, s’est déconnecté de la réalité.
Mamie était à l’hôpital et moi je ne sentais que mon thorax qui se serrait, qui serrait tant que je me disais que plus jamais je ne pourrais respirer. Que c’était un luxe dont l’angoisse m’avait privée. Un autre.
Parce que ce qui est arrivé à ma grand-mère, aussi banal soit-il, m’a plongée au plus profond de mon angoisse.
J’ ai disparu en elle, je me suis dissous dans ma propre peur en me débattant et en constatant que ma réflexion ne m’était, au fond, d’aucun secours. J’étais recroquevillée, serrant mes mains pour que ça s’arrête. Si je serre fort, si je me concentre, ça va s’arrêter. Reprends le contrôle, reprends le contrôle, respire. Tu ne peux pas tout contrôler. Respire. Ça va passer. Ça va passer.
J’ai coutume de dire que je suis née angoissée, je ne me souviens de rien dans mon enfance qui n’était pas teinté d’un peu de mal de ventre, d’un souffle un peu trop court, de difficultés à m’endormir, de tremblements des mains, de peur panique, de stratégies d’évitement, de dents qui grincent. C’est sûrement exagéré mais j’ai toujours eu peur. De tout mais surtout de quelque chose dont je ne savais rien. J’avais peur. Une peur sans objet parfois et une peur protéiforme d’autres fois. Juste de la peur, collante plus que fidèle.
Pourtant j’ai lutté, beaucoup, refusant de croire que mon état anxieux était une tendance dont je devais, pour la supporter du mieux possible, m’accommoder. J’lui ai cédé souvent. J’ai essayé de négocier avec elle. Je l’ai parfois feintée. Et je pensais, ce 31 décembre 2018 que j’avais à peu près réussi à l’ACCEPTER.
Mais ce qu’a révélé l’événement qu’a vécu ma grand-mère c’est qu’il existait une autre dimension à mon angoisse qui m’échappait et qui était, lorsque la situation l’imposait, la seule maitre à bord. Elle à réussi à me déposséder de moi toute entière. Je n’existais plus tellement quand j’y pense. Mon identité était morcelée.
6 mois, c’est le temps qu’a duré mon errance anxieuse déconnectée. J’ai vécu le surplus d’angoisse et ça a fait chauffer ma tête et m’a empêché de vivre, lire, écrire normalement, penser, relativiser, de réfléchir - je ne savais plus réfléchir observant avec étrangeté ce qui, jusqu’à maintenant, avait toujours été normal - et ai vécu ces mois dans une frayeur existentielle totale. Et si tout cela ne s’arrêtait pas … Le monde en entier s’était déconnecté de moi ou peut-être que c’était moi qui l’étais de lui, je ne sais plus trop …
Ces 6 mois dont je pourrais parler encore tant j’ai à en dire ne sont pas le sujet réel de ce billet de blog mais les aborder me permet d’introduire le vrai message de ce texte.
Coincée dans mon angoisse et reprenant petit à petit pied, j’ai commencé à réfléchir à la raison d’être de cette étrange aspiration existentielle.
Une petite voix me soufflait qu’elle n’était pas mon ennemie, et que je devais la considérer. Apprendre à la comprendre. Car, elle était, contre toute apparence, de mon côté.
Alors j’ai essayé d’arrêter de lutter, tenté d’accepter qu’elle risque d’être là, toujours un peu au creux de mon cou à me mettre en garde contre tout mais surtout contre rien parce qu’elle avait peur pour moi. Alors oui elle sur-réagit peut être un peu (elle est plutôt de mauvaise foi), mais elle pêche surtout par excès de zèle, pour qu’il ne m’arrive rien et, surement pas par manque d’amour.
Il parait qu’il faut apprendre à cohabiter avec elle puisque de toutes les façons, elle n’est pas prête de se barrer. J’aurais une tendance à l’anxiété pour toute ma vie… C’est comme les cheveux bouclés ou la couleur de mes yeux, un mélange d’hérédité et d’environnement qui, est un peu de moi. Elle est moi. Pas tout moi mais un peu de moi.
J’en étais là … Et puis, cette année, alors même que j’ai été recroquevillée une bonne partie de 2019 à trembloter et à prier pour que ça s’arrête et que je retrouve mes esprits, j’ai été courageuse. Tellement. J’ai été tellement fière de moi. Pas satisfaite, non fière, parce que je savais ce qui s’était passé en moi, ce qui m’avait pétrifié et pourtant j’étais là à donner des cours à des étudiant.e.s toute seule, droite, je n’avais pas sombré et en moi il était resté, malgré tout, un reste de lumière qui savait encore exister au monde. Parfois ça pouvait aller jusqu’à m’émouvoir aux larmes tant j’étais fière.
Et puis le Covid-19 est arrivé … Et je suis hypocondriaque. Une hypocondriaque qui se moque beaucoup d’elle, de ses travers mais une hypocondriaque solidement installée, habituée à observer le moindre soubresaut corporel comme un inhabituel mouvement révélateur d’une maladie. Rare et foudroyante.
Alors autant te dire qu’avec le concept de pandémie, je suis grave au top ! C’est bien simple, ça ressemble grosso merdo, à mon cauchemar. Au top je te dis !
J’ai eu peur beaucoup. Et pis peur encore. Pétrifiée.
L’angoisse est un trouble de l’anticipation. Un truc qui a à voir avec le futur. Un futur qui fait peur mais, un futur qui n’est pas encore tout à fait là … Et qui, sait-on jamais, peut ne jamais être là.
Un trouble de l’anticipation et du futur. Alors ce qui peut aider c’est de modifier la temporalité dans laquelle on se trouve, revenir au présent. Pour en pas se laisser aspirer par l’incertitude pessimiste de l’angoisse. Méditer, faire du sport, chanter beaucoup, ça aide, être dans le corps, ça aide, ça déconnecte et le corps prend les rênes sans que l’esprit tremblotant lui dicte sa conduite, il devient le maitre et s’en sort plutôt bien. Mais, dans mon cas, c’est ponctuel, ça s’arrête toujours, et l’anticipation, l’angoisse, ma douleur - Dolores - elle revient toujours.
Il y'a quelque chose dans mon angoisse de profondément existentiel, quelque chose qui apprécie les stratégies qui ramènent au présent mais qui, dans ses contours ne changent pas tellement. Elle est tenace, accepte de céder parfois mais c’est elle la boss. Alors ça me repose vraiment « d’être dans le corps », de sentir, de respirer fort, de chanter fort, de danser mal, de faire monter le coeur dans les tours, d’être à bout de souffle. Vraiment ça aide. Mais il me reste toujours, au fond de mon coeur, le rêve que je vais réussir à ne plus m’accommoder de cette angoisse, que je vais triompher avec elle. Pas triompher d’elle, mais triompher avec elle, ne plus être son esclave, parce que j’aurais compris le message.
Commentaires
Just desire to say your article is as surprising. The clearness on your publish is
simply spectacular and that i can assume you're knowledgeable on this subject.
토토
경마
온라인경마
바카라
토토사이트
I was surprised that you're not more popular since you definitely possess the gift.
majortotositepro1
racesitepro1
oncasinositenet1
totopickpro1