DANS TES YEUX
Photo de Robert Frank
T'avais la main dans mon cou, il faisait encore un peu jour et je roulais le long de la côte, les fenêtres étaient ouvertes, ça faisait du vent dans nos cheveux, les miens me gênaient, volaient devant mes yeux, l'air était chaud, tu me souriais. Ton sourire imparfait est un éclat mon amour. Nos mains se serraient fort, on se regardait avec toute l'ardeur dont on se sentait capable, demain, on allait devoir se séparer pour quelques jours.
Devant le soleil déclinant, on se promettait des trucs avec nos yeux, peut-être qu'on faisait semblant que les choses allaient bien se passer, que rien n'allait ni s'affadir ni s'oublier. Nos rares mots avaient un goût de future consolation, on n'arrêtait pas de se dire que la suite allait être aussi bien, il n'y avait pas de raison, on s'aimait et on s'aimerait aussi en hiver.
Mais en vrai, on n'en savait rien et au fond de nous, c'est même pas sûr qu'on y croyait vraiment. Peut-être que toi tu y croyais, tu crois nettement plus en la vie à chaque seconde que je serai bien incapable de le faire dans toute une vie. Tu devais y croire mais pas moi, pas ce soir là, j'avais le coeur lourd, plutôt sûre que les belles choses s'essoufflent vite, alors je regardais tes yeux, sentais tes mains, entendais ton rire comme s'ils étaient des flashs exceptionnels dans ma vie, que je devais les graver pour les moments lourds, pour les désespoirs, pour les nuits d'insomnie, pour me souvenir de la grâce, pour savoir ce que c'est de t'aimer et d'être aimé par toi.
C'est ce que je me disais, je me concentrais ce soir là parce que je devais absolument me souvenir de toi avec la plus grande précision, retenir les battements de ton coeur, les pauses que tu mets entre certains mots, tes éclats de rire, la manière dont tu me caresses la nuque, ton odeur, ton goût, ta langue, tes mots d'amour, tes gentillesses, tes profondeurs, tes silences, je ne voulais rien oublier parce que j'étais sûre mon amour que tu étais une exception et que je devais profiter de toi parce que ça ne pouvait pas durer, tu ne pouvais pas durer.
Et le long de cette côte, me semblait être la dernière fois, la dernière fois aussi intense avec toi. Est-ce que ces regards, ce soleil qui se couchait, nos mains l'une dans l'autre suffiraient à nous donner envie de se voir une autre fois?
Si je te serrais si fort la main c'est parce que j'y croyais pas mon amour, et si j'y croyais pas c'est parce que tu es une chance. T'aimer, voir tes yeux dans mon rétro, Woodkid à la radio (tu ne sais toujours pas qui est ce mec, j'en suis sûre) et te sentir à mes côtés étaient, pour moi, d'une intensité inouïe.
En rentrant chez moi, dans la voiture silencieuse, tu as continué à me regarder, qui peut résister à ces regards-là, j'avais l'impression que si un jour tu devais arrêter de me regarder comme ça, j'allais mourir, je ne pourrais pas survivre à ça, ça serait trop dur que tu ne me regardes plus, à quoi j'allais bien pouvoir servir alors?
Je te demandais d'arrêter, je simulais la pudeur ou la gêne, mais la vérité c'est que je ne m'étais jamais sentie autant en vie qu'à cet instant, là, dans la voiture, avec toi. Tu ne répondais rien quand je te demandais de tourner la tête ou que je singeais l'irritation en te disant "arrête", tu gardais ton sourire en biais, ralentissais tes caresses dans ma nuque pour les rendre quasiment obscènes, j'aimais cette arrogance tranquille et bienveillante que tu avais déjà avec moi. Tu savais qu'être toi était la meilleure chose que tu pouvais me faire. J'ai cédé, je t'ai laissé ma caresser le cou en silence sans me plaindre, la nuit était tombée, tu posais régulièrement un baiser sur ma main que tu avais enlevée du volant pour quelques secondes et que tu remettais vite, tu me trouvais imprudente en voiture, tu ne voulais pas être responsable d'un accident.
J'étais bien, si tu savais comme j'étais bien, je n'avais pas peur du monde, ni de l'après, ni de tous ces trucs qui, toujours, me terrorisent, non, ta joie me protégeait, j'étais préservée avec toi, parce qu'avec toi mon amour, en regardant le monde avec tes yeux à toi, tout était beau.
Je te demandais d'arrêter, je simulais la pudeur ou la gêne, mais la vérité c'est que je ne m'étais jamais sentie autant en vie qu'à cet instant, là, dans la voiture, avec toi. Tu ne répondais rien quand je te demandais de tourner la tête ou que je singeais l'irritation en te disant "arrête", tu gardais ton sourire en biais, ralentissais tes caresses dans ma nuque pour les rendre quasiment obscènes, j'aimais cette arrogance tranquille et bienveillante que tu avais déjà avec moi. Tu savais qu'être toi était la meilleure chose que tu pouvais me faire. J'ai cédé, je t'ai laissé ma caresser le cou en silence sans me plaindre, la nuit était tombée, tu posais régulièrement un baiser sur ma main que tu avais enlevée du volant pour quelques secondes et que tu remettais vite, tu me trouvais imprudente en voiture, tu ne voulais pas être responsable d'un accident.
J'étais bien, si tu savais comme j'étais bien, je n'avais pas peur du monde, ni de l'après, ni de tous ces trucs qui, toujours, me terrorisent, non, ta joie me protégeait, j'étais préservée avec toi, parce qu'avec toi mon amour, en regardant le monde avec tes yeux à toi, tout était beau.
Commentaires
Je ressens cette même sensation que toi et cette petite angoisse que rien ne peut durer, surtout le bonheur. Et pourtant j'y crois.
(Ce texte va rejoindre nombre de tex textes dans mon dossier Inspirations, j'aime les relire, ils m'apaisent).
Kiss, Love <3
C'est terrible, ce sentiment m'est tombé dessus et je ne l'avais absolument pas anticipé.
Ne plus être regardé par lui, c'est la laideur, la mort. C'est ne plus avoir envie de se faire jolie la matin, car à quoi bon? C'est ne plus se sentir jolie du tout jamais, alors que dans ses yeux, je ressentais le désir, l'envie, l'amour. Il me regardait comme si j'étais la plus belle du monde! Est-ce de l'égocentrisme, du narcissisme? Je ne devrais pas avoir besoin de ça, comme si son regard me donnait de la valeur, et je l'ai perdue depuis... C'est dur.
très jolie, bravo ! et la suite!
stefani
Je t'embrasse Marie, merci
Maintenant je suis mariée depuis près de 10 ans, les sentiments amoureux sont différents...
C'est très beau.
Je sens le soleil et le vent. Et vois les regards.
Bisous.
Xa
il me le faut !!!! lol
Ton texte est tout comme toi Marie, touchant.
biz
Célinou
(cadeau : https://www.youtube.com/watch?v=zklbyI7ovrA)
Texte touchant Marie...
https://www.youtube.com/watch?v=o3SqUUoJjW8
Merci...
émilie j....
Je suis tellement bien, là, maintenant, avec toi... Mais après la passion, qu'est-ce qu'il y a?
Et comment ça peut durer toute une vie, tout ça?
Comment ça marche?
Comment on fait, pour y croire vraiment?
Comment ils font, les autres, pour avancer sans se poser de questions, sans avoir peur que tout s'écroule?
Comment on fera, quand nos yeux ne sauront plus se parler comme ils se parlent aujourd'hui?
C'est quoi, la suite? C'est toujours beau?
Mais je suis tellement bien, là, maintenant, et j'ai tellement envie qu'on continue d'avancer, toi et moi...
C'est un peu ce que je me dis, chaque jour, ces temps-ci. Et ce texte vient faire écho, un peu à pic, comme souvent.
Bonne soirée Marie!
Céline D.
je tenais sincèrement à vous remercier pour tous vos mots gentils, j’étais un peu traqueuse à l’idée de mettre ce texte ici…
Vos retours m’ont fait rougir, donc MRECI MERCI MERCI
J'admire toujours autant ton authenticité et ta profondeur, mais sache que je kiffe aussi ton flow ^^
"Un an aujourd’hui ou pas exactement, quelle importance ? Ce passé (étrange perspective) me touche encore à en verser quelques larmes et à y penser encore (trop) souvent. Un an sans aucune autre relation, sans la moindre nouvelle fenêtre, aucune rencontre, rien. En ai-je envie ? Est ce un genre de devoir ou de conformité que je m’impose ? Un souhait de m’en savoir capable et une manière de rassurer au passage mon entourage et moi même ? Sans cesse des questions et des remarques me rappellent que la porte doit être ouverte, que je dois m’en préoccuper, une forme d’anormalité (non assumée ?). Un objectif d’une vie. Dans un sens, ça me révolte ; la raison est-elle à cause de la réalité de la situation que je préfère dénier ou éviter ? ou plus simplement le simple fait qu’on me réduise à ma situation amoureuse m’exaspère, qu’on y donne tant d’importance (surtout en milieu féminin - excusez moi je déteste ce genre de comparaison - où la conversation à ce sujet semble évidente et si facile) ?
L’autre fois ma mère m’a demandé maladroitement si j’avais un homme dans ma vie, sa peur de me voir murir vieille fille accompagnée si clairement sa question, que depuis elle revient fréquemment faire un coucou dans mes pensées. Serait- ce si horrible, si malgré le fait que « je sois seule », je sois par contre entourée, épanouie, vivant dans un lieu où je m’y sens complètement bien, occupée d’activités enrichissantes et de centres d’intérêts, toujours « active intellectuellement », voyageant selon mes envies et à ma guise, apaisée, vivante, aimant la vie et confiante. Je pense que mon seule objectif est celui ci et non de trouver confiance dans le regard et le désir d’une autre personne, de me laisser une nouvelle fois happer par la relation sans être « en paix » avec moi même (assez ringard et impersonnel comme propos mais j’ai pas trouver mieux pour transposer mon ressenti).
Et si un jour, j’ai le malheur d’être d’humeur triste, cela doit être forcément en rapport avec mon célibat ou mon ancienne relation. Il ne peut pas y avoir d’autre explication. Qu’est ce qu’une femme, seule depuis un an, désire le plus ? Cela semble évident pour tellement de monde, à part moi.
Et pourtant, le jeu malsain de la comparaison se déchaine face à tous ces couples de mon âge, à toutes ces personne qui ont connu plusieurs relations, plusieurs amours. Les rencontres semblent si faciles dans leurs yeux, se laisser aller à l’autre, s’y abandonner…
Une amie célibataire, depuis 10 mois, s’est inscrite deux semaines après sa rupture, sur des « sites de rencontres » et n’a pas arrêter depuis, cherchant « désespérément » à rentrer dans cette norme, une personne à aimer et qui pourrait lui redonner confiance. A chaque fois que je vois cette amie, elle me parle systématiquement des dernières nouvelles de sa vie affective, me demande où j’en suis et comment je le vis, pourquoi je ne me mets pas comme elle sur un site de rencontre ? Ou lorsqu'elle ne va pas en parler clairement, elle va ramener subtilement la discussion à ce sujet sur un ton faussement teinté d’humour. J’ai du mal à comprendre cette acharnement à la vie à deux. Je ne supporte plus ces questions, ce type de discussion m’ennuyant au plus haut point. Sa projection sur moi de ses sentiments de solitude amenée par sa vie de célibataire me fait sentir encore plus isolée, mélancolique. Cela fait il de moi, une amie affreuse ? Une personne sans empathie ? Ou je souhaite juste une nouvelle fois à éviter le sujet dans le but de centrer mon objectif de vie actuelle à autre chose (qui peut trouver un lien directe avec le fait de trouver ou non "un mec") ; m’épanouir, dans un premier temps seule, m’aimer.
Est ce si impensable/infaisable de pouvoir vivre seule ?"
Il représente cet instantané de l’amour.
Ce moment puissant et doux à la fois qui ne dure pas.
Et qui est propre au sentiment amoureux. C’est pour ça qu’on court après toute sa vie, parce qu’il est fugace le salopard !
Sublime ! Quelques phrases restent gravées :
« on s'aimait et on s'aimerait aussi en hiver. »
« si un jour tu devais arrêter de me regarder comme ça, j'allais mourir, je ne pourrais pas survivre à ça, ça serait trop dur que tu ne me regardes plus, à quoi j'allais bien pouvoir servir alors? »
Merci
Virginie