MINIMALISME 3, DU "BESOIN BÉQUILLE" À LA DÉPENDANCE, PARTIE 2
Reprenons notre réflexion entamée la semaine dernière.
Donc on a constaté que l'achat (dans le cas qui nous intéresse je le reprécise, pas du tout pour l'humanité entière) pouvait être considéré comme une "béquille".
Je vais remettre ici la conclusion du dernier post pour que l'on puisse rebondir dessus.
« On est loin de lutter pour satisfaire le besoin réel ou pour comprendre les blessures qui le sous-tendent. On est en train de passer à l'acte sans réfléchir pour se débarrasser d'une tension intérieure. Même en mobilisant toutes ses forces contre la substance en question, pour arrêter de fumer par exemple, on risque d'aboutir à un échec si on n'accepte pas de prendre conscience des mobiles de fond »
Ok, les mobiles de fond?
Je vais prendre mon cas à moi pas parce qu'il est plus pertinent qu'un autre mais parce que je le vis de l'intérieur et surtout parce qu'il est tout ce qu'il y a de plus banale.
J'ai dégagé 3 points inhérents à ma compulsion. 3 mobiles donc.
1) Les complexes, le souci d'apparence
2) Les problématiques liées à la classe sociale dont je suis issue
3) L'ennui
Ces 3 points sont mes 3 mobiles à moi.
Les comprendre ne me fera pas changer de comportement, mais me rendra plus lucide, ce qui est un putain bon début.
Je pense que, pour celles et ceux que ça intéresse, dégager vos propres mobiles peut être une bonne entrée en matière. Je ne sais pas si j'ai raison ou tort mais je ne peux pas m'empêcher de penser que la bienveillance et la réflexion sont les deux clés importantes pour résoudre tout ça.
1) Les complexes
Quand et pourquoi est apparue ma compulsion?
Ma compulsion s'est développée franchement (même si j'avais un goût pour les vêtements depuis quasiment toujours) au moment où j'ai arrêté de fumer la première fois. J'avais 22 ans.
Et quand j'ai arrêté de fumer, j'ai grossi. Mon corps changeant prenait des formes dont je ne savais pas du tout quoi faire.
Mes vêtements ne tombaient plus bien sur moi et mes petits complexes disparates, légers et sans conséquences ont disparu pour donner naissance à un complexe global et généralisé. Je n'aimais plus mon apparence. Je m'en voulais un peu quand même d'être aussi superficielle et d'avoir abandonné la tendresse à mon égard pour quelques kilos de plus.
Mais si je dois être honnête, j'ai acheté des vêtements plus que de raison quand mon apparence est devenue importante et dans le même temps insatisfaisante.
Mes nouveaux vêtements ne changeaient rien au regard profond que je portais sur moi, je ne me sentais pas moins complexée mais je continuais imaginant que l'achat suivant serait celui qui règlerait mon problème d'estime.
Bien sûr que ça ne marche (ai-je vraiment besoin de niquer le suspense?) mais je ne savais pas quoi faire d'autre.
Mes complexes m'ont rendu égocentrique... Et m'ont fait acheté beaucoup, beaucoup de choses que j'imaginais pouvant régler "cette tension".
Mon penchant pour le make-up trouve ses origines dans ce même point... Tant qu'on se trouve trop moche, trop grosse et trop vieille le business est satisfait, c'est bien ça?
(Bonne ambiance ce post hein? )
2) La classe sociale
Je suis issue d'une classe populaire.
Je n'ai manqué de rien, suis partie en vacances et donc peut-être considérée comme une vraie chanceuse.
Mais j'ai été élevée par une mère célibataire donc on était clairement pas Rotschild mais on était bien quand même.
Au collège je suis allée dans un établissement privé (ce post donne l'impression que je raconte grave ma vie mais je vous jure ça a de la pertinence par rapport au sujet qu'on développe) et une très grande majorité des gamins dans ce collège avaient des parents aux revenus nettement supérieurs à ceux de ma mère.
Et de ça je retiens deux éléments qui sont importants aussi dans la mise en place de ma compulsion.
D'abord l'importance des marques et de l'apparence qui apparaissent au collège comme marqueur social et révélateur de "cool" (Chevignon, Benetton, Oxbow à l'époque...) et de l'autre l'étrange sensation que j'étais de toutes façons plus pauvres que mes camarades. D'ailleurs ça s'est vérifié longtemps ce truc, mes copains ont quasiment tous eu des parents "plus riches" que les miens.
Ca n'est pas grave, mais à 11 ans ça définissait un truc... Alors quand j'ai pu j'ai acheté des vêtement chers comme pour que ça ne se voit pas que j'étais plus pauvre qu'eux.
(J'ai conscience du ridicule de la situation, mais je vous dis ça à froid, pour comprendre)
3) L'ennui
"L'oisiveté est mère de tous les vices"
J'ai écrit ce post il y a 4 ans, je persiste et je signe.
Si j'ai passé tant de temps à acheter c'est parce que je m'ennuyais, que j'avais peur de m'engager franchement dans la vie, étais tétanisée par mes ambitions et le manque de moyens que je mettais à les réaliser... Prostrée, j'ai baissé les bras et j'ai commencé à me faire chier...
Je vous mets l'extrait du dit post, je le trouve révélateur.
J'achète et achetais pour une autre raison que "je vais mourir, la vie est une chienne" et "je suis moche, il n y a rien à faire". J'achète parce que je me fais chier.
Y a quand même un truc de cet ordre là dans l'achat important, régulier, l'ennui.
Quand tu t'ennuies, tu surfouilles, tu vas chez H&M, t'envisages des trucs à porter, tu te dis que t'as fait le tour de ton armoire et qu'il te faut de la nouveauté.
Dans le fond, c'est pas de la nouveauté de penderie dont tu as besoin, mais un truc qui bouge qui remue, mais dans ta vie, pas ailleurs... pas la peine de déplacer ses problèmes sur un objet qui ne remplit jamais!
Le shopping excessif, la compulsion est un divertissement.
Divertir, étymologiquement, ça veut dire "détourner". Faire tourner le regard.
Tout est dit, plutôt que de s'occuper de son dessein, de son destin et bien, on achète des nazeries (mot préféré de maman) chères et en plus, sans fond.
Acheter, se dire que c'est fini, que c'était le dernier, mais quand même, trouver une bonne raison pour recommencer... La bonne raison ben elle est claire, on occupe le temps, l'espace, le vide, parce que, putain, qu'est ce qu'on se fait chier des fois...
Bon en ce moment je suis la reine de post-RTT je suis désolée mais ça me paraissait compliqué de faire autrement.
Je reviens vite pour parler d'autre chose que des achats, une petite bouffée d'air.
Bisous smack les copains.
Commentaires
Pour la classe sociale, par contre, c'est un peu pareil mais pas tellement pour les vêtements, plutôt pour tout ce qui est culturel (des livres que je ne lisais pas, juste parce que c'était un "it-livre" qu'il fallait avoir lu, j'en achetais des dizaines). J'ai toujours eu (et j'aurais peut-être toujours?) un complexe à ce niveau , à force de côtoyer des personnes beaucoup plus cultivées que moi en grande école. Même que j'en ai voulu à mes parents pour ça, un peu.
A travers l'achat, on essaye toujours acheter un idéal de "future soi" non ?
Merci pour ces pistes de réflexion !
Marline
Comme tu disais dans ton avant dernier post il faut mettre le doigt sur le problème mais c'est vraiment pas évident parce qu'on a pas envie d'être cette fille complexée, physiquement et par son origine sociale, qui n'a pas une vie très exaltante et qui vit dans l'immobilisme par peur. On se dit qu'on est mieux que ça, on a honte alors on ne veut pas se l'avouer.
Comme toi mes ami(e)s ont pour la plupart des parents plus riches que les miens.
Je fais très attention car je remarque que même si ma compulsion a commencé avec les sapes je sais qu'elle reste très transférable. Je l'ai déjà transposée sur le maquillage dans le passé. Pratique c'est moins cher ça fait moins mal à chaque achat. C'est bien là où se trouve le danger.
Et en ce moment je me sens sur une pente glissante concernant la décoration intérieure.
Ce qui m'a aidée à remarquer que ma compulsion était de l'ordre du complexe c'est qu'à chaque achat je me faisait un petit clip dans ma tête de moi avec ce nouveau manteau/rouge à lèvres aller prendre un café avec une copine. Et maintenant même chose avec la déco : j'ai envie d'épater la galerie qu'on se dise que j'ai bon goût, j'ai déjà les scènes en tête avec les invités à la maison... glauque, même si je n'ai pour le moment rien acheté.
Je me rends compte que le regard de l'autre et l'envie de plaire et de me sentir valoriser à travers mes achats sont très présents.
Je crois que ce qui m'aide maintenant c'est mon avis de voyager. J'économise et je fais de beaux voyages. Mais je me sens tout de même très fragile. J'ai besoin d'un fix au quotidien, d'un fantasme accessible pour me soulager.
En mode minimaliste : <3 <3 <3
:-*
Bravo, ton post est si juste. Il me permet de réfléchir aux mobiles de ma compulsion passée (classe sociale, ennui). Car elle est derrière moi :)
Non pas que cela soit un problème parce que si ca m'intéresse pas je ne lis pas. Mais c'est surtout pour te dire que j'ai l'impression que tu as du mal a aller de l'avant et que je sens que tu tournes surtout du pot mais que tu n'as pas encore trouver les moyen d'ouvrir le couvercle. Tu n'auras pas plutôt besoin d'un bouleversement? D'un voyage dans un pays different du notre, d'une experience plus humaine dans un camp d'adoption de bebe singe.. Enfin peu importe, il faudra juste que tu sorte vraiment de ta zone de confort.. Moi je sais que voyager loin, ca me remet les pendules a l'heure.
Autant te dire. j’apprécie beaucoup la fraicheur de ton blog, tes textes. mais j’adule complètement ton expérience Dead Fleurette et tes articles sur la consommation excessive.
Dans un premier temps je voulais te faire un énorme récit sur mon aventure d’épuration depuis plus de trois ans maintenant. Mais le trouvant bien trop long et surtout peu clair, je vais te le résumer en point. Parce qu’égoïstement, j’ai besoin d’en parler. Mais parce que tes réflexions m’aide beaucoup dans les miennes. Et peut-être que les miennes (mal résumée certes) te feront rebondir aussi.
Aujourd’hui :
- Je n’achète plus massivement de vêtements. Du moins pas comme avant.
- Mais cela me tourmente toujours. De manière cyclique. Les périodes d’ennui, de complexes sévères et de paresse aidant.
- J’achète moins, mieux et plus cher. Mais je dépense toujours beaucoup.
- Je me connais mieux, je ne fais que rarement une grosse erreur de jugement.
- J’ai détourné le regard sur plusieurs secteurs afin de temporiser mes frustrations et mes compulsions (voyages, décoration d’intérieur, fringues, …) et heureusement, ma compulsion ne s’est pas du tout appliquée sur les autres secteurs. Bien au contraire, depuis que j’ai entamer cette démarche tout est parfois beaucoup trop médité et économisé. A tel point que ça en devient lassant.
- Je me lasse parfois de mon image. Et j’ai du mal a accepter que rien n’est parfait. C’est clairement de mon image que je me lasse, car autant, je doute souvent, je déprime fasse à ma situation et mon manque d’avancée dans ma démarche, autant pour les autres secteurs, mes choix, une fois fixés sont tranchés et à priori pas remis en question (en décoration notamment)
- Dans mon home sweet home, bizarrement je ne supporte pas le surplus d’éléments.
- Je trie toujours. J’élimine au fur et à mesure ce dont je me suis lassée. Mais je ne m’en tiens pas rigueur. Ils m’ont accompagnés pendant trois ans, j’en ai plus envie. Pas grave, je passes à autre chose.
- J’ai perdu tout plaisir d’achat. Et dans les quelques occasions où je me lâche, j’achète à l’envie et non au besoin. Jamais au besoin. Jamais les vêtements que j’ai murement réfléchis et validés. A moins d’y être forcée. Car sinon je n’y tire pas de plaisir à l’achat. Même si je me suis rendue compte, que s’il n’y a pas de plaisir d’achat pour ses objets tant convoités, il y a un véritable plaisir, culte de l’objet. Et que c’est une peu comme une pépite. Exemple : Mon sac tant convoité depuis trois ans, acheté il y a 6 mois car j’en avais plus et que je porte sans interruption. Un Cost per Wear (comme dirait Balibulle) de moins d’un euro / jour. Et qui me procure du plaisir dès que je l’utilise.
- Pour finir ce pavé de points. En relisant les postes CAPSULE de Balibulle, j’ai trouvé intéressant le concept de la fringue CV. Qui a l’époque ne m’avait pas plus marqué que ça. Je m’explique. Je suis très robe. Je ne porte pratiquement que ça. Depuis trois ans, toujours de la même manière, la même combinaison. Cette manière m’ennuie, mais n’ayant jamais pris la peine de réfléchir à un autre combo, j’ai continué à porter ainsi mes tenues jusqu’à ne plus supporter. Le CV de la fringue s’est révélé être la solution. Sans rien acheter ou changer je me suis rendue compte que je pouvais varier mon image, mes tenues. Et en rigide que je suis, je vais faire un CV béton.
Bises et merci :-)
tu vas bien?
je voulais juste rebondir sur un truc intéressant que t as dit au debut de ton post : t as commencé quand t as arrêté de fumer. chui d accord avec toi : j imagine bien que les complexes inhérents aux modifications corporelles sont un déclencheur certain de l achat compulsif (moi c etait l inverse : la toute puissance de l apparence après une adolescence de vilain petit canard). ceci dit, jme demande si, quand la compulsion est la réponse qu on choisit, y faudrait pas chercher aussi du côté d un terrain propice à ce genre de comportement. un ami psychiatre me parlait y a quelque temps des personnalités addictives. c est vraiment intéressant. le but n est bien sûr pas de dire qu on est prédestiné à devenir compulsif, mais simplement de trouver des pistes d explication et surtout de compréhension de ses propres mecanismes de defense/compensation/sécurisation.
bref, tout ce blabla pour dire que ca m a fait pensé à ca, ton histoire de clope : à une addiction qui vient en remplacer une autre. tout comme le maquillage est venu remplacer les fringues à un moment donné.
pour moi, ce qui m a énormement aidée, c est de comprendre ce fonctionnement de personnalité. ca ne m a pas fait me trouver d excuse bidon, ca m a juste aidée à devenir un poil bienveillante, comme tu le dis si justement. à moins lutter. et à trouver des solutions temporaires qui m ont permis de faire bouger les lignes. par exemple jme suis apercue que je pouvais, pour un temps du moins, transférer l addiction sur un autre objet, plus constructif et moins nocif. quand je dessine beaucoup, ou que je fabrique des bijoux par dizaines, ou que je lis dès que j ai un moment, je n achete plus. et ca me fait beaucoup plus de bien d ailleurs, c est valorisant, ca m occupe l esprit en meme tps que les mains. bon evidemment c est pas forcement la solutionj hein , mais c est une etape :-)
jt embrasse biche , take care!
Tu as beau retourner le problème dans tous les sens, selon moi, et même si ce n'est pas ce que tu as choisi de traiter, tu ne pourras pas faire l'économie d'une réflexion sur la principale source du problème : la société qui induit en majeure partie ton comportement d'individu. Tant que tu traites la chose à ton niveau d'individu sans remettre en cause le système dans lequel tu évolues, à mon avis, tu restes prise au piège de ses propres logiques. Par contre, si toi individu, tu décides (ou tu en viens par la force des choses ou poussée par certaines motivations) de t'"extraire" un peu de ce système pour le regarder avec ses logiques, tu pourras peut-être faire fonctionner autrement tes propres logiques.
Mon but n'est évidemment pas de te dire comment faire, tu es bien assez grande pour ça, et moi bien trop petite ! C'est juste que je ne parviens plus à mettre du sens dans l'insensé. Je ne me détache plus de cette question, de déterminer ce qui a une véritable valeur à mes yeux, ce qui a du sens...
Bisettes
Ouais certains jours j'ai putain d'envie de me voir porter d'autres trucs, d'autres couleurs, j'ai grave envie d'acheter. Mais je me l'interdit comme un tabou. Ou comme quelque chose qui est de toute façon financierement pas realiste. Des fois je suis triste, mais je suis encore plus triste si je m'auto trahi dans mon delire.
"Quand tu t'ennuies, tu surfouilles, tu vas chez H&M, t'envisages des trucs à porter, tu te dis que t'as fait le tour de ton armoire et qu'il te faut de la nouveauté.
Dans le fond, c'est pas de la nouveauté de penderie dont tu as besoin, mais un truc qui bouge qui remue, mais dans ta vie, pas ailleurs"
"un truc qui bouge", "un truc qui remue"...un vêtement ou une passion autre c'est inerte, c'est vous qui lui apportez de la vie, le mouvement doit venir de vous, pas de l'objet.
l'ennui, ok, peut-être mais la facilité et une forme de fainéantise aussi.
C'est comme le footing, oui, c'est plus dur que de fumer une clope ou de s'acheter un jean, mais il faut commencer et ne pas s'arrêter.
On peut aussi déplacer sa passion vers les autres, au lieu de faire un am shopping, se poser avec un pot qu'on a pas vu depuis longtemps et mettre les 20 euros du top pas acheté dans un ciné offert à une copine qui n'en a pas les moyens...