SAINT LAURENT
(J'ai vachement écouté ce son cet été même s'il est plus vieux que ça)
Comme beaucoup, en début d'année, j'étais allée voir le premier (chronologiquement) film sorti sur la vie de Yves Saint-Laurent, réalisé par Jalil Lespert avec Pierre Niney dans le rôle titre.
J'en étais sortie un peu blasée, m'étais plutôt ennuyée, trouvant le film facile, court et puis, même si je ne connaissais pas vraiment la vie de Saint-Laurent, il m'avait semblé caricatural. Le dévoué Bergé incarné par Gallienne je n'y avais pas vraiment cru. Les choses n'avaient pas pu être aussi "simples" que ce qui nous était montré.
Le film m'avait fait l'impression d'être une succession de louanges à la gloire du dévouement de Bergé.
Bref, bof. Ajoutons à cela une promo tellement premier degré (de Gallienne notamment) et j'étais déjà moitié énervée (les vrais combats ;-))
J'attendais beaucoup du film de Bonello dont je n'avais strictement rien vu (même pas L'Apollonide c'est dire) et qui avait fait une très forte impression à Cannes cette année.
Et comme entre temps, j'avais lu le bouquin de Alicia Drake, Beautiful people (que je ne saurai que vous conseiller une nouvelle fois, c'est vraiment bien), retraçant les trajectoires de vie personnelle et professionnelle de Saint-Laurent et de Lagerfeld avec, dans chacune d'elle, le fascinant Jacques de Bascher électron libre, fascinant et liant, je me sentais fin prête.
Je suis donc arrivée devant le film de Bonello un peu moins néophyte mais finalement ça n'avait pas tellement d'importance.
Si vous voulez voir un "vrai" biopic sur Saint-Laurent, quelque chose dans l'ordre, avec de vrais éléments de vie, une trame, une "explication", le film de Bonello n'est pas la meilleure des idées.
Le film de Jaspert est nettement plus factuel, la narration y est plus claire et surtout le propos, même s'il est fait sous le prisme de Bergé, parle complètement de la vie d'Yves Saint-Laurent (de manière transversale et partiale mais tout de même).
Celui de Bonello m'a fait l'effet de ne pas tout à fait parler du créateur, au mieux il était un prétexte pour un sujet bien plus grand que ça. Peut-être la création et ce qu'elle coûte...
J'y suis allée avec Yassine qui est parti au bout de 45 minutes après m'avoir demandé "c'est quand que le film commence?"
Et de son point de vue il n'avait pas tout fait tort.
Mais moi, j'ai été aspiré par ce film.
J'y suis allée tout acquise à sa cause c'est vrai, peut-être même que ça m'a rendu modérément objective malgré tout, 5 jours plus tard, il reste encore très imprégné dans mon esprit.
Je ne vais pas vous mentir, il m'a décontenancée, c'est un film surprenant et même si j'avais lu des mots comme "expérience", "création" pour le qualifier, je ne pensais pas qu'il aurait été aussi peu "commercial".
D'abord c'est long. Un film qui dure 2h30 c'est déjà quelque chose.
C'est peu bavard. Plutôt contemplatif. Certaines scènes sont très longues (plus de 7 minutes).
La narration, d'abord chronologique presque classique, se fait chahuter, aux 2/3 du film pour se transformer en une forme d'errance au coeur du processus créatif. J'ai lu une interview où Bonello expliquait qu'après avoir vu la version de Lespert, s'était senti décomplexé à l'idée de ne pas raconter les choses comme elles "s'étaient vraiment passées", le souci du réalisme en moins.
C'est évidemment très beau.
C'est assez juste que certains seconds rôles sont un peu tièdes, mais la caméra est tant fixée sur Saint-Laurent que les autres (Jacques de Bascher aka Louis Garrel excepté. Mais vu que je ne suis objective ni pour Garrel ni pour De Bascher imagine dans quel état d'excitation j'étais) sont en retrait. Dans le cas de la relation Bergé /Saint-Laurent s'en est même étrange tant leur relation est quasi reléguée au second plan...
Mais s'il faut comparer, le film est très clairement à un autre niveau que celui de Lespert. C'est beau, grand et même si tu t'en tamponnes le coquillard de la mode et de ses tergiversions, tu peux tout à fait être emporté.
Et maintenant ça m'a donné envie de voir du Visconti (j'ai rien vu de Visconti)...
À demain.
Commentaires
Mais, autant celui de Jalil Lespert ne me disait rien du tout, autant le film de Bonello me tente bien car, justement, ça a l'air d'être plus qu'un biopic.
Comme toi, je n'ai rien vu de lui mais ça ne t'a pas empêché d'apprécier alors qui sait :-)
Pour Visconti, je ne saurais trop te conseiller Rocco et ses frères.
L'un des plus beaux films que j'ai vu de ma vie, peut-être même LE plus beau.
Je l'ai vu jeune et une seule fois. Ce film m'a tellement marqué (j'ai passé le reste de la nuit après l'avoir vu à pleurer...) que je pense que je ne le reverrai jamais ... aussi magnifique soit-il, je pense qu'il ne pourra jamais me toucher autant que ce qu'il m'a touché la première fois.
Mais j'ai quand même la VHS, que ma sœur m'a offerte quelques temps après, je la garde précieusement :-)
J'ai vu aucun des Saint Laurent mais comme toi je suis davantage tentée par la version de Bonello, j'avais bien aimé l'Apollonide, sa manière de filmer les acteurs pas évident en huit clos de ne pas s'ennuyer au bout d'un moment. Je pense si je me souviens des remarques de P Bergé qu'il était pas très content de cette version "moins lisse" ...
Sur Arte un doc très intéressant sur Diana Vreeland qui pour revenir à ton post précédent parle de mode. Ca retrace des époques fabuleuses en terme de création et de rencontres, je pense de plus en plus que le style et la manière dont on s'approprie ces influences est le plus important.
Rose
Je lis ton blog depuis quelques temps seulement et je ne suis pas une habituée des commentaires mais je voulais te dire que j'aime beaucoup ce que tu publie ici. Tes articles sont toujours très personnels (c'est ça qui est intéressant) et justes. Et puis les articles à propos de musiques et de films m'inspirent beaucoup. (va falloir absolument que je voie une film avec Garrel ;) )
J'ai aimé le choix de ne pas faire un biopic académique avec un parti pris plus visuel que narratif, des scènes très longues, peu de choses sur le processus créatif du couturier. J'ai aussi aimé le fait que ce ne soit pas un film mièvre (avec une sexualité très présente) et j'ai été séduite par le jeu de Gaspard Ulliel qui compose un Saint Laurent très touchant sans chercher à tout prix le mimétisme. Le duo Ulliel / Garrel m'a beaucoup touchée; je ne suis pas sûre d'être plus objective que toi sur Louis Garrel mais c'est pour moi un acteur à part dans le cinéma français actuel, avec une présence incroyable et un jeu très subtile...
Je sens que je pourrais parler du film encore longtemps mais je finirai par dire que malgré les défauts on est devant un vrai film de cinéaste et non une simple reconstitution (comme c'est trop souvent le cas dans les biopics). Je pense que rien que pour ça, cela vaut le déplacement !
Bises !
P.S.: J'en profite pour te remercier d'avoir conseillé le livre d'Alicia Drake, je l'ai lu (dévoré) cet été et j'ai adoré !
Charlotte: Ah ouais carrément un des plus beaux films que tu aies aimés…
Je vais essayer de le trouver merci!
Pascalou: Merci, ça a l’air oui!
Rose: Non jamais vu le guépard.
J’ai vu le doc sur Diane Vreeland j’ai adoré la fantaisie d cette femme
Mary L: Merci Mary sincèrement.
TIGER LILY: Tu as raison dans tout ce que tu dis, mais j’an garde un souvenir agréable et dense.
Je t’en prie pour le livre (d’ailleurs, la lecture a un peu accentué des impressions de facilité dans ce film que j’avais. Notamment la genèse du moratoire noir de De Bascher)
anneso: Je ne sais pas… Les récits contradictoires doivent jouer. Sa capacité à se faire aimer, il était sulfureux…
severi27: Ah oui?
J’ai aimé malgré tout ce que tu décris…
Je le trouve bien Garrel, j’ai pas du tout ressenti la même chose que toi.
vu et assez aimé ce film. regardé après celui d'il y a qq mois que j'ai trouvé moins intéressant, moins touchant, trop littéral, plus "scolaire" (et pas qu'en comparaison)...
pas absolument sûre que "saint laurent" soit un film sur la création, en tous cas pas que la création artistique (peut-être plus sur la création de soi ???), c'est plutôt il me semble autour de la beauté (et ces manifestations que peuvent être la volupté, ou les états entre l'extase et l'agonie) et de l'hypnose (ou fantasme mais hypnose me semble plus juste), et les rapports entre les deux. l'hypnose de "saint laurent" (le film) est assez belle, même si qq chose dans la dernière partie du film m'a moins accrochée.
de bonello, je n'ai pas tout vu (pas encore vu l'appollonide) mais j'avais beaucoup aimé "de la guerre" qui m'avait beaucoup marqué. là aussi on est dans une forme d'hypnose mais sous un mode différent. trop de miroirs peut-être dans saint laurent, trop de reflets ? le rapport à la fiction (saint laurent, le personnage, en train de se vivre comme autre, comme s'il sortait de son corps, ce que laisse supposer le contraste entre le jour et la nuit...) peut-être ?
j'ai aimé le rapport à la musique de bonello, elle est un personnage à part entière (là où elle n'est que bande-son dans le film "yves saint laurent"), qui permet justement ce rapport au rêve, d'induire des sensations artificielles, de s'hypnotiser...
bises à toutes et tous,
lenna
bises
lenna
Ben pour être honnête j'ai eu du mal à voir où était le chiant de la chose. Certes au dernier tiers, la chronologie en mode aléatoire met à l'épreuve l'attention du spectateur qui commence de toute façon à vaciller (que ce soit au ciné ou au théâtre, quand ça dépasse les 1h45 j'ai toujours l'impression d'entamer un phase de marathon de l'attention).
Je crois que j'ai été acquise dès l'une des séquences d'ouverture, quand les mensurations d'un mannequin sont prises avec vélocité et précision; j'ai eu la sensation que cette perspective concentrée et terre à terre présente tout au long du film justifiait tous les plans longs et partis pris stylistiques : j'étais littéralement scotchée et n'ai pas eu l'impression de manquer des choses, au contraire.